Asus veut-il écrire le futur des micro PC… et lancer le successeur du Raspberry Pi ?


Avec son processeur à cœur RISC V, la Tinker V d’Asus a le potentiel d’être le premier micro PC à démocratiser ce type de processeur. Si Asus réussi à rendre sa carte disponible à un prix modéré, la marque taïwanaise pourrait devenir, à termes, la référence de ce genre.

Toute révolution a un début, et la carte Tinker V d’Asus pourrait être cette première étincelle. La révolution dont nous parlons, ce serait l’avènement du jeu d’instruction RISC V, une alternative ouverte au x86 de nos ordinateurs et à l’ARM de nos smartphones et tablettes. S’il est intégré dans nombre grandissant de projets, notamment celles des futures puces spatiales de l’ESA et la Nasa, RISC V manque pour l’heure de beaucoup de choses : logiciels compatibles, puces hautes puissance, écosystème, etc. Et c’est là que la Tinker V, qu’Asus a tout juste annoncée, a une carte à jouer.

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La gamme « Tinker » chez Asus, ce sont ces cartes de « bidouilleurs », de développeurs/concepteurs. Comprendre : des alternatives aux Raspberry Pi. Plus orientées « industriels », les cartes Tinker sont bien moins populaires et bien moins volumiques que les Raspberry Pi… comme la totalité des alternatives à la « framboise ». Car dans ce marché, c’est la combinaison d’un triple écosystème – grand public (émulation, multimédia), éducation (distribution Linux) et professionnel – qui a fait de la carte LE standard de facto. Ne laissant que des miettes aux autres. Mais RISC V est de plus en plus populaire, la demande ne cesse d’augmenter. Et pour permettre à cet écosystème de se mettre en branle, il fallait une petite carte de développement pas chère (seule incertitude, lire plus loin) pour permettre au plus grand nombre de se faire la main.

Tinker V : une carte minimaliste pour développeurs

Asus Tinker V © Asus
Asus Tinker V © Asus

En 2020, l’américain SiFive, qui conçoit aussi bien des cœurs RISC V que des puces complètes, a lancé sa « Unmatched ». Une carte mère format PC intégrant 8 Go de RAM, des prises USB, un emplacement M2, un port PCIe, etc. bref, une vraie grosse carte de PC avec son processeur SiFive Freedom U740 (le plus puissant à l’époque) directement soudé. Loin de ce « mastondonte », la Tinker V d’Asus est un petit poucet bien plus modeste. Et c’est là la raison de (selon nous) son potentiel succès.

RZ/Five Andes AX45MP, le cœur CPU intégré au processeur Renesas qui équipe l'Asus Tinker V.
RZ/Five Andes AX45MP, le cœur CPU intégré au processeur Renesas qui équipe l’Asus Tinker V. © Andes technology

Plus que modeste, on pourrait même la caractériser de minimaliste : un petit processeur avec un seul cœur RISC V à 1 GHz, seulement 1 petit gigaoctet de RAM… et même pas une sortie écran ! Equipée de deux ports séries RS232, de deux BUS CAN 6 broches et deux ports Ethernet, la carte n’a pas vocation à se transformer en PC d’appoint, passerelle multimédia ou console d’émulation. Ce qui est logique : l’écosystème logiciel et matériel du monde RISC V est loin (très loin) d’être mature. La Tinker V cible donc uniquement les développeurs (avec ascendant industriel, puisque la carte est qualifiée pour ces environnements) qui veulent se faire la main sur les jeux d’instruction RISC V. Alors pourquoi faire tout un foin de cette carte au public si niche ? Parce qu’elle a en elle de quoi initier, peut-être, un mouvement autour des processeurs RISC V. À cause du poids d’Asus et de son rôle de pionner – si d’autres entreprises ont déjà lancé des cartes équivalentes, comme la Star64 de Pine64, aucune n’a l’aur ni le poids d’Asus.

Champion de l’ère post Raspberry ?

S’il ne faut enterrer ni les Raspberry Pi, ni ARM (ni x86 d’ailleurs, comme on le lit trop souvent !), la montée en puissance du jeu d’instruction RISC V semble inéluctable. Le marché des semi-conducteurs étant en progression constante, RISC V va moindre prendre du business aux autres que des parts de marché. Des contrôleurs de disques durs aux cœurs de computing haute puissance jusqu’aux cartes de développement dont nous parlons ici, cet ensemble de jeux d’instructions a beaucoup d’atouts dans sa manche. Parce qu’il permet aux entreprises d’avoir le contrôle total sur leurs puces – et donc permet plus de flexibilité pour les processeurs « custom ». Parce qu’il permet d’éviter tout vassalité à des acteurs anglo-saxons – ce qui intéresse des acteurs chinois, comme Huawei, qui ont font les frais d’embargo US. Mais aussi parce que des acteurs dans le reste du monde aussi, comme l’Europe ou l’Inde, ont aussi intérêt à réduire leur dépendance à des technologies 100% américaines – les actions erratiques du président Trump y sont pour beaucoup dans cet éveil des consciences, notamment en Europe. L’ouverture du RISC V se sent dans le type de processeur intégré dans la Tinker V : une puce conçue (et produite) par le japonais Renesas qui intègre un cœur AndesCore AX45MP (RISC V donc !) conçu par l’entreprise taïwanaise Andes Technology.

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La montée en puissance de RISC V est en route, et si son prix est (très) modéré, la Tinker V d’Asus semble avoir de solides atouts pour être la première dont les programmeurs puissent s’emparer en masse. Et si le suivi logiciel d’Asus est au niveau, et que l’entreprise arrive à fédérer une communauté – élément incontournable du succès de tout écosystème numérique – alors le taïwanais pourrait profiter de son statut de premier acteur international positionné sur ce créneau pour devenir la référence. Une position qui permet, comme le démontre le précédent de Raspberry Pi, de vite devenir le standard incontournable… et capturer l’essentiel du marché.

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Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, et pointer les défis pour Asus. Le premier est le prix : pour lancer un mouvement de masse, il faut un prix adapté aux masses – donc accessible. Ensuite, il faudra qu’Asus ne se contente pas de lancer un produit, mais qu’elle suive la plateforme de manière régulière et qu’elle mette de l’argent dans la constitution de sa communauté. Finalement, avant de voir votre Raspberry Pi 4 remplacé par une carte équivalente intégrant un SoC dont les cœurs CPU soient de type RISC V, il reste beaucoup de travail de la part de tous les acteurs de l’industrie. Les acteurs comme SiFive et Andes Technology doivent améliorer la performance des cœurs, les logiciels de conception de puce doivent se complexifier, les autres « blocs » tels que les GPU, NPU et autres ISP doivent s’interconnecter avec les futurs CPU RISC V. Ces cartes ne sont pas dans la main d’Asus. Mais si l’entreprise taïwanaise fait sa part et tient sur la durée, les bidouilleurs du futur pourraient bien développer leurs futures applications (notamment embarquées) sur des cartes Tinker RISC V. Qui pourraient donc devenir les Raspberry Pi du monde RISC V.

Source : Asus



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